En cette fin 2017, plus de 2000 Rohingyas traversent encore quotidiennement la rivière Naf, frontière naturelle entre la Birmanie et le Bangladesh. Indésirables dans leur propre pays on cherche tout simplement depuis un an à les faires disparaître. Tous les survivants font le même récit: villages encerclés par l’armée puis bombardés de projectiles incendiaires. Ceux qui tentent de fuir sont abattus ou exécutés à la machette, les femmes et fillettes capturées sont transformées en esclaves sexuelles, le plus souvent jusqu’à la mort. Ceux qui parviennent à leur échapper se cachent pendant des jours, souvent des semaines, dans la jungle sans eau potable ni nourriture, avant de pouvoir se réfugier au Bangladesh. Leur fuite a été largement documenté, mais que deviennent ils ensuite? Grace à l’association bangladaise Gonoshasthaya Kendra, avec laquelle j’avais déjà travaillé j’ai pu pénétrer dans les camps où ils ont trouvé refuge juste de l’autre côté de la frontière. Ceux-ci s’étendent sur des kilomètres et des kilomètres sur des collines peu fertiles. Chaque famille y construit son abri fait de bâches et de bambous. Près d’1 million de personnes vivent ainsi avec leurs traumatismes et sans savoir quoi espérer. Des trafics se mettent en place: prostitution, drogues, enlèvements… La promiscuité, le manque d’hygiène, engendrent les maladies: choléra, diphtérie… Aujourd’hui en 2019, des accords sont passés entre les états pour un retour au Myanmar (nom moderne de la Birmanie) mais aucun Rohingya ne souhaite rentrer sans l’assurance de pouvoir y vivre en paix.