2014. La ville est née et a grandi autour de sa gare, érigée au tout début du vingtième siècle par les Français, simultanément à la voie ferrée reliant Addis Abéba à Djibouti. Elle compterait aujourd’hui plus de 500 000 habitants. La langue des employés du chemin de fer Franco Ethiopien (rebaptisé Djibouto Ethiopien) est la « langue de Molière » qu’ils ont appris dans les Alliances françaises de Dire Daoua ou d’Addis Abeba. Ils sont très fiers de ce lien qui les unit à la France, comme de cette voie ferrée dont ils ne cessent de venter les mérites, malgré son grand âge. Aujourd’hui, l’économie mondiale ayant basculée, c’est la Chine qui réalise les travaux d’une nouvelle ligne reliant Addis Abeba à Djibouti, au grand désespoir des cheminots. Quelques très rares trains circulent encore sur l’ancienne voie et seulement sur une partie réduite du parcours… Le nombre des employés du train a fortement chuté, ceux qui ont encore ce privilège craignent pour leurs emplois. Souvent désœuvrés, ils errent dans la gare s’inventant quelques travaux d’entretien. « Avant ici, le travail c’était comme en France ! » me disent-ils, comme pour s’excuser. Tristes et dépités, ils expriment leur désarroi et s’en prennent à la future ligne dont les travaux sont déjà bien avancés : « elle ne durera pas aussi longtemps que la nôtre, elle se construit bien trop vite ! » Ils attendent maintenant de l’Etat Ethiopien qu’il accepte d’injecter des fonds dans la réhabilitation de leur train. Un certain nombre d’employés a accepté d’être photographié auprès de son outil de travail. Tous en sont fiers mais leur combat semble perdu d’avance…